lundi 26 novembre 2012

Arrivée au Belize, quelle épopée

 
Après quelques heures de faux repos dans l’avion et les aéroports de Las Vegas et Miami, j’ai débarqué à Belize city en fin de matinée. Les douaniers béliziens n’ont pas chômé quand ils m’ont vu arriver avec mon énorme sac bleu et mon gros carton pré vérifié par les services de la Cia et du Fbi… preuve des ouvertures au couteau, du scotch amerloc mis à la va-vite et des affaires dérangées par eux… bande de batards. Quoi… ce n’est pas si facile de se détacher de ses origines suisse-allemandes, de son éducation ordonnée et efficace et de ses propres habitudes de rangement obsessionnel !
Suite à ces quelques séances administratives, j’ai déballé mon précieux carton et j’ai entamé le montage devant quelques touristes, mais surtout des autochtones dont les yeux semblaient un peu étonnés et interrogatifs. Une chaleur relative puisque juste en dessous des 30 degrés, mais une humidité qui m’a fait produire quelques gouttes, que dis-je, quelques flaques de sueur.
Le vélo prêt, je me renseigne. Pas de cartes du pays, pas de centre touristique, pas de banques… pas de pas de pas de. Je pédale alors une dizaine de kilomètres suite aux conseils d’une policière noire au cul proéminent (Céline dirait comme le mien). J’arrive en ville. Peu de touristes à l’horizon. Une ville sale et poussiéreuse dont de nombreux détritus gisent au sol, des fortes odeurs d’égouts, une pauvreté en masse, des mendiants vieillards et enfants mélangés, des habitations simples avec des toits troués en tôles et du bois  pourris… Je comprends alors mieux le sens du mot bidon-ville. Que doivent penser ces autochtones en me voyant ? Au sens de ma venue ici ? Aux dollars que je pourrais leur rapporter ? Quelles idées trottent dans la tête de chacun ? Le mendiant du coin de la rue, le plus riche qui se pavane avec ces habits repassés, le petit garçon sale qui joue dans la rue, la femme dans sa belle voiture… ?
Dans la mienne, il y a une sensation de protection… celle de trouver un logement sécurisé et cela, avant que la nuit tombe, car la fliquette noire m’a informé que le soleil se couchait vers les 17 heures. J’ai prévu le coup, une auberge m’attend. Je l’ai repérée sur internet. Je la cherche et la trouve grâce aux autochtones bien sympas qui m’aident, alors même qu’ils ne connaissent pas vraiment le lieu-dit. Mais, arrivé devant ce taudis, et bien qu’il me paraisse extrêmement sale, peu sécurisée et atrocement affreux, je ne sais pas pourquoi, j’y entre et me réfugie dans ma chambre (si on peut appeler cela une chambre) qui, heureusement, possède une douche privée pour le plus grand plaisir de mon corps puant, suant et mouate. Je ne mange quasi rien si ce n’est du pain et de la Nutella (la Nutella et pas le Nutella, car de la pâte à tartiner !). Je sais alors que le chocolat est un anti dépresseur, alors je me soigne en prenant une double dose. Une nuit de repos.

Le matin, je me lève pour chercher les précieuses informations qui me permettront de quitter au plus vite ce lieu sordide. Sous le soleil, je ressens un certain apaisement et une relative sécurité, tout en me baladant avec une certaine attention. Le centre touristique est fermé 3 jours : lundi, fête nationale des noirs. Je me renseigne pour faire une croisière… excessivement cher 25oo dollars américains pour 6 jours, mais j’hésite. Aller camper sur les iles prévues… impossible, que des ressorts hors de prix. Alors, je trouve un plan pour le lendemain pour aller sur une ile sur laquelle je vais apparemment pouvoir, non pas profiter du soleil sous lequel je n’aime pas me mettre à rien faire, mais plutôt profiter des services d’un centre de plongée. Le plan, c’est le « water taxi » demain matin.
Mais, avant cela, je cherche du gaz pour mon réchaud, en vain. Ici, les magasins de marques telles que nous les connaissons n’existent pas. Alors, Zara et compagnie encore moins. Mais en cherchant bien, on trouve parfois quelque chose : de la benzine pour mon corps, c’est-à-dire des bananes. Ne sachant pas combien coute une banane, je tends 1 dollar bélizien (50 centimes) au vieil homme assis sur le trottoir sale et poussiéreux. J’espère en recevoir au moins une. Il me tend une grappe de 5 ou 6 bananes et me regarde dans les yeux. Mon étonnement intérieur doit alors être certainement mal interprété puisqu’il en rajoute deux autres plus petites. Je le remercie avec gène et m’enfuis comme un voleur. Je délecte ces délices d’ici et, en prince, en offre même une à un cul de jatte en fauteuil roulant qui râle et préfèrerais de l’argent pour s’acheter et fumer du spliff. J’ai failli lui dire : « On ne regarde pas les sabots d’un éléphant qu’on t’offre » en pensant à Damien, mais cela aurait été un brin trop long à lui expliquer en anglais à la vue de sa couleur de yeux pétés. Ainsi, après quelques recherches, je rentre à mon auberge, que dis-je mon ressort, avec un sentiment un peu plus tranquille… ils ne vont pas me manger pour la fête des noirs, ils ne sont pas cannibales. Voilà que j’ai de quelques nouveaux amis dans la city.
Le soir, j’apprends par le son puissant de la télévision de ma chambre voisine qu’il y a eu un meurtre dans la banlieue. Je me rassure en me disant que ce sont les gangs, la mafia du coin et que de toute façon, le tourisme est leur gagne-pain quotidien et qu’ils n’ont pas avantage à les perdre, donc à me perdre également. Appuyé par ce sentiment rassurant de certitude, je prends une double ration de Nutella (ni la, ni le cette fois ci car générique) et me couche en me lavant les dents à l’eau en bouteille… imaginer une gastro à cet endroit, je meure de peur.
Le lendemain, tôt, je débarque au port, prends mon ticket de bateau et m’en vais sur l’ile dont on m’a vanté les joies et plaisirs. Quand j’arrive, je constate alors que cette ile touristique est bondée de touristes et que les autochtones sont pour la plupart des rastas, coiffés de leurs loques emmitouflées dans des bonnets de laine, en plein soleil, fument la ganga et respectent Chronos en prônant le slogan connu, ici de tous : Go slow. Autrement dit, après cette arrivée tendue et palpitante à Belize city, je crois que les autochtones n’imaginent même pas, pour ceux qui me connaissent, quels efforts ils me demandent encore... de « goer lentement ». Voyager, qu’est-ce que ça peut être chiant !

Flo, dit le faiseur dans son froc

PS : Ah, j’oubliais de dire que mes journées suivantes sur l’ile furent tout autant difficiles car il m’a fallu peindre un parc de jeux pour enfants avec les autochtones touristiques, mais encore jouer au football avec les jeunes de l’ile, puis affronter les vagues pendant de longues minutes dans le bateau à moteur avant de faire plusieurs plongées durant lesquelles j’ai vu des tortues, des muraines, des requins, des raies, des lion-fish et tous leurs amis. Je leur ai dit, en langage des signes sous l’eau, que vous ne me manquiez pas. La tortue, qui m’a regardé droit dans les yeux, même avec son strabisme peu prononcé, a bien vu que je me mentais à moi-même (pléonasme). C’est elle qui m’a obligé de vous écrire en me disant que si je ne le faisais pas, elle m’emmènerait de manière subtile, c’est-à-dire en se laissant faire suivre, sans que je le sache jusqu’à Belize city. Le lion-fish,lui, m’a dit de vous embrasser. Comme il ne peut pas le faire, car ses piquants sont urticants, voire venimeux, et qu’il vous donnerait la fièvre, alors je vous envoie, à sa place, des baisers piquants.

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